Projet de loi pour une société de confiance : au menu, droit à l’erreur et au contrôle, amendes du DIRECCTE, médiation URSSAF, bulletin de paye

Le 25 janvier 2018, l’Assemblée Nationale a achevé en première lecture l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (dit projet de loi « sur le droit à l’erreur »), avant un scrutin public prévu le 30 janvier prochain. Les débats se poursuivront ensuite au Sénat. Nous présentons ici une sélection de mesures qui auront un impact en droit social.

Droit à la régularisation en cas d’erreur

La mesure phare du projet de loi, c’est ce qu’il est devenu commun d’appeler le « droit à l’erreur ». Pourtant, comme le texte le dit lui-même, il s’agit d’avantage d’un « droit à la régularisation » que d’un véritable « droit à l’erreur ».

L’administration ne pourrait pas infliger une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, à une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation, à condition d’avoir régularisé sa situation soit de sa propre initiative, soit dans le délai requis après y avoir été invité par l’administration. Si la personne méconnaît une nouvelle fois cette même règle, elle s’exposera à la sanction administrative encourue.

À s’en tenir à l’étude d’impact du projet de loi, seules les erreurs régularisables seraient concernées. Les retards ou omissions de déclaration dans les délais prescrits par un texte, parce qu’elles ne sont pas régularisables, n’entreraient donc pas dans le champ d’application du droit à l’erreur.

Par ailleurs, il sera impossible de se prévaloir du droit à l’erreur pour certaines sanctions énumérées (ex. : celles requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, celles prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle).

Enfin, en cas de mauvaise foi ou de fraude, l’administration pourra prononcer la sanction prévue par la loi sans prendre la peine d’inviter la personne à régulariser sa situation. En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi ou de la fraude incombera à l’administration. À cet égard, on notera que le projet de loi prend soin de définir la mauvaise foi (méconnaissance délibérée d’une règle applicable à sa situation).

Ces nouvelles règles seraient insérées dans le code des relations entre le public et l’administration. Il s’agit donc par définition de dispositions supplétives, qui s’appliquent sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires organisant une procédure spéciale de régularisation des erreurs commises.

Droit au contrôle

Toute personne pourrait demander à faire l’objet d’un contrôle prévu les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. La demande devra préciser les points sur lequel le contrôle est sollicité.

L’administration procéderait à ce contrôle dans un délai raisonnable. Diverses exceptions sont prévues (mauvaise foi du demandeur, demande abusive, etc.).

Sous réserve des droits des tiers, le résultat du contrôle pourra être opposé à l’administration dont il émane. L’opposabilité cessera d’être applicable en cas de changement des circonstances de droit ou de fait ou si l’administration procède à un nouveau contrôle donnant lieu à de nouvelles conclusions expresses.

Si d’aventure un contrôle demandé débouche sur un constat d’irrégularité, la personne concernée pourra remédier à sa situation dans le cadre du « droit à la régularisation en cas d’erreur » (voir plus haut).

Amendes administratives du DIRECCTE : création d’un rappel à la loi et modulation

Le DIRECCTE peut infliger certaines amendes administratives en cas de manquements aux dispositions du code du travail qui encadrent les modalités de décompte du temps de travail, les durées maximales de travail, les repos, le salaire minimum prévu par la loi ou les conventions collectives ainsi qu’aux règles applicables en matière d’hygiène, de restauration et d’hébergement des travailleurs.

Le projet de loi permettrait de ne plus sanctionner automatiquement une entreprise lorsque l’une de ces infractions sera constatée, mais de donner un simple avertissement.

Dans toutes ces hypothèses, l’amende est plafonnée à 2 000 € et appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés par le manquement (4 000 € en cas de nouveau manquement dans l’année). Ce plafond serait majoré de 50 % en cas de nouveau manquement survenant dans l’année suivant un avertissement.

Les principes directeurs de la décision de l’administration sont tracés. Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l’autorité administrative prendrait en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur (et notamment sa bonne foi, élément nouveau), ainsi que ses ressources et ses charges.

Médiation dans les URSSAF

Le projet de loi vise à généraliser la médiation dans les URSSAF, jusqu’alors expérimentée en Île-de-France. Les employeurs pourraient formuler leurs réclamations en matière de cotisations et de contributions de sécurité sociale auprès d’un médiateur, sans préjudice des autres voies de recours existantes.

Ce médiateur, désigné par le directeur de l’URSSAF, serait chargé de formuler des recommandations pour le traitement des réclamations. Celles-ci ne pourraient être traitées par le médiateur qu’à condition, d’une part, d’avoir été précédées d’une démarche de de l’employeur auprès des services concernés de l’URSSAF et d’autre part, qu’aucune procédure contentieuse n’ait été engagée, sachant que l’engagement d’une telle procédure mettrait fin à la médiation.

Déclaration sociale nominative

Le projet de loi prévoit de reporter l’entrée en vigueur de la déclaration sociale nominative (DSN) pour la fonction publique de deux ans, soit à une date qui sera fixée par décret et au plus tard au 1er janvier 2022.

Bulletin de paye des salariés saisonniers

L’Assemblée a ajouté une mesure concernant les CDD saisonniers. Il est ainsi précisé que, pour ceux de ces contrats de travail dont la durée est inférieure à un mois, un seul bulletin de paye serait émis par l’employeur.

Si l’on s’en tient à l’exposé des motifs de l’amendement à l’origine de cette disposition, il s’agirait de régler une difficulté concernant les CDD saisonniers d’une durée inférieure à 1 mois, mais à cheval sur deux mois distincts, en autorisant expressément les employeurs concernés à ne remettre qu’un seul bulletin de paye pour l’ensemble du contrat (et non un pour chaque mois).

On notera qu’en l’état du texte, la mesure concernerait aussi les CDD d’usage, aux mêmes conditions (durée inférieure à 1 mois).

Circulaires et instructions ministérielles

Les instructions et circulaires ministérielles seraient réputées abrogées si elles ne sont pas publiées sur Internet dans des conditions fixées par décret. De fait, cette disposition imposera aux administrations de publier ces documents, ce qui contribuera à améliorer l’information du public.

En outre, toute personne pourrait de se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, figurant dans les circulaires, instructions, notes et réponses ministérielles publiées sur des sites Internet qui seront désignés par décret, tant que cette interprétation ne serait pas modifiée. Il y aura cependant quelques limites (droits des tiers, dispositions légales et réglementaires préservant la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement).

À l’heure actuelle, il n’y a pas de règle générale d’opposabilité. Il existe cependant des règles particulières. Ainsi, par exemple :

– en matière fiscale, tout contribuable peut se prévaloir, dans certaines conditions, de la doctrine fiscale publiée au BOFiP ;

– en matière sociale, sous certaines conditions, il est possible d’opposer aux organismes de recouvrement les interprétations des circulaires et instructions publiées émanant du ministère chargé de la sécurité sociale.

Limitation de la durée des contrôles : expérimentation dans deux régions

Une expérimentation serait menée pendant 4 ans dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes en vue de limiter la durée des contrôles dans les PME. L’expérimentation débuterait à compter de la publication du décret d’application.

L’ensemble des contrôles mené à l’encontre d’une entreprise de moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ne pourrait pas dépasser, pour un même établissement, une durée cumulée de 9 mois sur 3 ans. Une réserve serait cependant prévue : lorsqu’il existe des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire.

Certains contrôles resteraient exclus du champ de l’expérimentation (ceux visant à assurer le respect du droit de l’Union européenne, règles de santé publique, etc.).

Projet de loi pour un État au service d’une société de confiance (25 janvier 2018, après 1re lecture de l’Assemblée nationale) ; http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-pdf/0575-p.pdf